La psychologie du lien humain - animal

La plupart des enfants ont un attrait assez particulier pour les animaux, ils aiment être en leur compagnie, et une symbiose s’opère lorsqu’ils sont à leurs côtés. Leur douceur ressort, ils sont moins agités et surtout: ils sont fascinés par ces derniers.

Plus nous grandissons, plus la « vie d’adulte » s’impose. Ainsi, la fascination disparaît et les animaux deviennent une partie du tableau qui entre dans notre norme.

Alors, quel est l’impact des animaux sur notre psychisme ? Et comment font-ils émerger cette douceur enfouie en nous ?

La nature, le vert, les animaux : tout cela fait partie de l’environnement dans lequel nous grandissons, évoluons et devenons des adultes. Cet environnement, comme tout ce qui nous entourage, doit nous interroger et nous permettre de devenir des êtres qui réfléchissent en tout temps et tout lieu. Ainsi, cette série de trois articles, nommée Se reconnecter à l’Essentiel, nous permettre non seulement de nous reconnecter à la nature, mais également de nous questionner sur celle-ci pour mieux nous sentir ancrés.

Nous allons commencer par nous questionner sur les animaux et leur importance. Nous le savons trop bien, la nature a été parfaitement créée, des feuilles qui tombent de l’arbre non pas hasard à l’abeille qui se pose délicatement sur une fleur afin d’en chercher son nectar.

Rien ne se produit dans la nature sans que cela ait une utilité fondamentale, essentielle à l’équilibre de la vie sur Terre.

Lien animaux et bien-être psychique : solitude, anxiété, empathie

Depuis toujours, les animaux font partie de notre société: des chiens qui accompagnent le quotidien pour environ 30% des foyers français (selon une étude de la FACCO de 2024), jusqu’aux chants des oiseaux qui débutent nos journées. Nous sommes entourés d’êtres vivants sans pour autant forcément nous pencher sur leur existence ou leur présence.

Plusieurs études ont été faites afin d’élaborer un lien potentiel entre la présence d’animaux domestiques et le bien être mental. Parmi les effets les plus notables : une diminution significative de la solitude.

Il n’est pas sans dire que l’un des grand maux de la société actuelle est la solitude des individus qui la composent, et l’éloge de cette solitude. Nous n’avons jamais été aussi connectés, et pourtant, jamais aussi seuls. La solitude s’est installée dans nos quotidiens, insidieuse, constante. La solitude nous traverse et nous accompagne au quotidien. Une étude menée en 2022 explore la relation entre la possession d’animaux de compagnie et l’isolement social. Les résultats montrent que, chez les adultes, la possession d’un animal est associée à des niveaux plus faibles d’isolement social (étude menée par Kretzler, Konig et Hajek).

L’un des points intéressants, scientifiquement parlant, est la corrélation entre la possession d’animaux et l’empathie. L’empathie est la capacité à percevoir, comprendre et ressentir ce que l’autre éprouve. L’empathie va de pair avec l’intelligence émotionnelle. Cela semble assez logique finalement : comment pouvons nous prétendre être empathiques et intelligents émotionnellement envers nos pairs humains, quand nous ne le sommes pas envers des êtres vivants dotés d’émotions également? Sans oublier que l’un des traits principaux du trouble de la personnalité antisociale est la capacité à faire du mal à des animaux. En effet, une revue publiée dans Psychology Today souligne que la cruauté envers les animaux est fortement associée à des comportements antisociaux, notamment l’agression et la violence envers autrui.

Alors, sur quelle partie de notre cerveau les animaux agissent-ils pour pouvoir devenir une part entière, si ce n’est significative, de notre quotidien?

Les animaux et nos interactions avec ces derniers - notamment les chiens, activent le cortex préfrontal, impliqué dans la régulation des émotions et des interactions sociales. L’université de Bâle conclut cela, suggérant ainsi que les interactions avec les animaux vivants entraînent une excitation émotionnelle forte. Aussi, l’étude fait par cette université, ainsi que celle de Konkuk (en Corée du Sud), suggèrent que les interactions avec les animaux agissent sur la concentration.

Pour comprendre un être vivant, il faut pouvoir cultiver un calme intense afin d’écouter et de comprendre l’invisible. Lorsque nous parlons de comprendre l’invisible, nous parlons particulièrement de comprendre les émotions des animaux : le cheval à côté de moi a-t-il peur, est-il apaisé, m’envoie t-il des signaux que je dois prendre en compte?

Les animaux agissent donc non seulement sur nos émotions, nous permettant de nous relaxer, mais aussi sur notre concentration.

L’empathie pour les animaux est finalement le noyau de tout : sans empathie pour eux, nous risquons de devenir des robots sans foi ni loi, ni n’obéissant qu’à nos simples désirs.

Le rôle prophétique du berger : leçon de vie

Ce point est en coloration directe avec le suivant : tous les prophètes, dans la tradition islamique, ont été bergers. Si un tel point important, qu’est notre fonction, est commun à tous les prophètes nous pouvons y trouver plusieurs fonctions. Tout d’abord, en étant berger nos compagnons constants sont les animaux. Le calme, la nature, les animaux, la méditation, le silence. Ces derniers sont leur compagnie quand nos compagnies sont le bruit, l’agitation, le mode « faire », les bâtiments, les ruminations. Cette connexion directe et constante aux animaux leur a permis une élévation directe, notamment par l’introspection que cela permet et l’écoute profonde - ce qui va nourrir notre lien au Divin . Pour pouvoir éduquer et transmettre aux humains, il faut pouvoir les connaître le mieux possible, et avoir un sens inouïe du leadership. Et comment mieux le faire qu’en étant berger?

Le deuxième point d’élévation est la cultivation de la patience. Quand nous arrivons à patienter face à un animal dont nous ne parlons pas la même langue et avec lequel nous devons faire un travail intense de compréhension, il y a de fortes chances que cela nous prépare à patienter face à des épreuves ou à des êtres humains.

Aussi, un berger doit pouvoir observer le mieux possible pour reconnaître non seulement les comportements anormaux, mais également repérer une bête malade. Il devra donc développer son attention, sa clairvoyance et sa lecture subtile du réel. Cela permettra par la suite d’avoir un sens de l’observation unique, de pouvoir reconnaître une personne mal intentionnée ou en souffrance.

Sans oublier que ce métier leur permet de se connecter à l’humilité - grande valeur qui leur permettra de se connecter à tout un chacun et de pouvoir comprendre, être accessible et ancré dans la population. Enfin, une telle formation permet de développer un sens de la justice et de la vigilance. Cette vertu va les aider à protéger les faibles, éviter les conflits et corriger les écarts tout en étant flexibles et en pouvant s’adapter à tous les êtres humains qu’ils rencontrent.

En somme, la fonction de berger prépare mentalement et physiquement l’être humain à transmettre et à s’occuper d’une communauté en l’ancrant dans l’humilité, l’observation, la patience et la justice.

Sachant que, comme le dit le hadith:

« Chacun de vous est un berger (qui s’occupe de son troupeau) et chacun de vous sera interrogé sur la manière dont il traite ce troupeau » (Habite rapporté par muslim),

alors nous sommes, à notre propre échelle, des bergers, et devons nous reconnecter aux animaux et à ce qui va avec - silence, nature, introspection - pour avoir les compétences et la jauge d’énergie nécessaires pour nous occuper de notre propre entourage.

Le traitement animal, signe de notre société

Nous pouvons aussi nous demander : la manière dont nous traitons les animaux n’est-elle pas le reflet de notre société en tant que telle? Cette manière nous donne des indices très importants sur qui nous sommes en tant qu’humains, et sur l’état de notre société. Quand nous sommes entourés d’animaux utilisés à des fins purement capitalistes (animaux mal nourris utilisés dans des calèches, orques et dauphins, et autres animaux marins utilisés pour des spectacles… Nous pourrions continuer très longuement sur l’utilisation des animaux à des fins purement financières - cirque, état des abattoirs, etc. -, finalement, le capitalisme n’a-t-il pas aussi atteint nos relations avec les animaux?

Les animaux seraient un dépôt qui nous ait été donné. Nous avons l’obligation, qu’elle soit morale ou juridique - dépendamment de nos relations avec ces derniers, d’en prendre soin et de les garder le mieux possible.

Poussons la métaphore et prenons le cas des enfants : nous avons longtemps cru que seuls les besoins primaires étaient nécessaires afin qu’ils restent en bonne santé. Plus nous évoluons plus l’impact psychologique et émotionnel est remis sur la table. Nous comprenons enfin l’enjeu et l’impact des mots et des actions, et qu’une bonne éducation passe également par une gestion émotionnelle. Dans cette continuité, nous pouvons sûrement concevoir que lorsqu’un animal nous est confié, nous avons le devoir de nous en occuper le mieux possible, et ainsi de prendre en compte comment il se sent.

Cela me fait absolument penser à l’épisode où le Prophète ﷺ passait devant un cheval et remarqua qu’il était en mauvaise condition. Il s’approcha de la personne qui en était propriétaire et lui demanda de l’acheter, convaincu qu’il pourrait offrir à cet animal les soins nécessaires pour qu’il retrouve sa vitalité.

Cela s’appelle l’intelligence émotionnelle : être capable de percevoir le mal-être d’un être vivant, de ne pas détourner le regard et vouloir faire quelque chose. Cela montre à quel point le Prophète ﷺ portait une attention sincère et immédiate au bien-être animal, agissant dès qu’il observait un signe de détresse.

Cette histoire nous enseigne aussi que nous avons une responsabilité, même lorsque les animaux ne sont pas sous notre garde directe. Lorsqu’un comportement injuste ou abusif se déroule sous nos yeux, nous devenons témoins de cet acte, et cela nous oblige, dans la mesure de nos capacités, à tenter de le réparer ou d’y remédier.

Par ailleurs, les animaux sont également des miroirs nous invitant à une meilleure conscience de nous-mêmes. Les qualités qu’on leur attribue symboliquement peuvent se refléter dans les traits positifs que nous développons à leur contact. Certains animaux, comme les oiseaux ou les dromadaires, sont associés à la paix et à la tranquillité dans la spiritualité islamique. Le simple fait d’interagir avec eux peut favoriser un état de sérénité, en réduisant le stress et l’anxiété.

Le cheval, par exemple, incarne le courage et la noblesse. En pratiquant l’équitation, qui nous oblige à lâcher prise et à faire confiance à l’animal, nous développons peu à peu ces mêmes qualités.

Le corbeau, quant à lui, est parfois associé à la connaissance et à la sagesse. Dans certaines traditions amérindiennes, il est vu comme un messager porteur de secrets, guidant vers la compréhension des mystères de la vie. S’inspirer de ce symbolisme, c’est cultiver notre curiosité, notre soif d’apprendre, notre ouverture aux leçons que la vie place sur notre chemin.

Dans cette même lignée, Nouman Ali Khan nous invite à méditer sur une expression emblématique : “Be like the bee” (Sois comme l’abeille). Il s’inspire d’un signe du Coran — sourate An-Nahl, versets 68 et 69 — dans lequel Dieu donne une mission à l’abeille :

« Et ton Seigneur inspira à l’abeille: « Fais-toi des maisons dans les montagnes, dans les arbres, et dans ce que les hommes construisent.

Puis mange de tous les fruits, et emprunte les chemins de ton Seigneur, rendus faciles pour toi » Il en sort un nectar de couleurs diverses, dans lequel il y a une guérison pour les gens. Il y a vraiment là un signe pour des gens qui réfléchissent. »

L’abeille est un modèle de sagesse : elle ne prélève que le nectar pur des fleurs, symbolisant la recherche de pureté dans nos intentions et nos moyens de subsistance. Elle incarne aussi la persévérance et la coopération : elle travaille inlassablement, et en harmonie, pour le bien de sa ruche. Cela illustre l’importance du travail collectif et de la persévérance. Malgré son rôle essentiel dans la pollinisation et la production de miel, l’abeille sait rester discrète et humble, offrant une leçon sur l’humilité et la modestie. Enfin, elle utilise les ressources avec efficacité, sans excès, nous rappelant l’importance d’une gestion responsable de ce qui nous est confié.

Les enseignements à tirer de cette métaphore sont nombreux : rechercher la pureté, travailler avec ardeur et en coopération, faire preuve d’humilité et préserver les ressources.

Tous les êtres vivants qui nous entourent sont porteurs de sagesses. pour nous tant dans la douceur que nous devons développer à leurs égards, que dans leurs manières de fonctionner, qui peut nous inspirer des modèles.

La fourmi illustre également un très bon modèle. Elle nous enseigne la solidarité et l’intelligence collective. Elle travaille pour le bien de la colonie, agit avec prudence et stratégie, sans céder à la panique. Dans la sourate An-Naml (Les Fourmis), aux versets 38 à 40, ce petit être est mis en avant pour sa sagesse, sa capacité à anticiper et à préserver les siens.

Ainsi, les animaux ne sont pas uniquement là pour recevoir nos soins ou contribuer à notre bien-être : ils sont aussi là pour nous éveiller, nous faire réfléchir, nous aider à grandir. Les personnes les plus conscients sont celles qui réfléchissent à tout ce qui les entoure, du plus grand arbre à la plus discrète fourmi.

Enfin, arrêtons-nous un instant sur le chant des oiseaux — bien plus qu’une simple mélodie : un baume pour l’âme. Des études scientifiques, notamment publiées dans Scientific Reports, ont montré que l’écoute des chants d’oiseaux, qu’ils soient nombreux ou non, réduit significativement l’anxiété et la paranoïa. À l’inverse, les bruits de la circulation ont un impact négatif, accentuant les symptômes liés à la dépression. Le chant des oiseaux améliore le bien-être mental, l’humeur, soulage le stress, favorise une reconnexion à la nature et apaise la fatigue mentale.

Et pourtant, ces chants nous accompagnent chaque jour sans que nous en ayons conscience. Nous les avons tant entendus que nous n’y prêtons plus attention. Et si, à présent, nous tendions vraiment l’oreille ?

En le faisant, nous renouons peu à peu avec cette capacité d’émerveillement que nous portions en nous. Nous nous reconnectons à cette douceur originelle qui habite notre âme.

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L’amour dans le monde arabe